Distribution – deux décisions favorables aux têtes de réseau
Un ancien concessionnaire automobile (la société Catia) s’est vu opposer un refus d’agrément par le nouveau distributeur en France des marques Lancia et Jeep (la société FCA). Le concessionnaire éconduit a attaqué ce refus d’agrément sur la base de l’article 1382 (ancien) du code civil. Il a obtenu gain de cause. La Cour d’appel de Paris a considéré que le refus d’agrément constituait une faute et a condamné la société FCA au paiement d’une indemnité en ayant au préalable constaté que la FCA était à la tête d’un réseau de distribution sélective quantitative, qu’elle est dès lors tenue dès la phase précontractuelle au respect de son obligation générale de bonne foi dans le choix de son cocontractant et en déduit que le titulaire du réseau doit sélectionner ses distributeurs sur la base de critères définis et objectivement fixés et appliquer ceux-ci de manière non-discriminatoire. En d’autres termes, la Cour d’appel reprochait à la tête de réseau de n’avoir pas suffisamment motivé son refus en expliquant pourquoi elle avait choisi un autre concessionnaire à la place de la société Catia.
Non, dit la Cour de cassation (en visant expressément les principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce et de l’industrie) pour laquelle l’exigence de bonne foi ne requiert pas de la part de la tête d’un réseau de distribution la détermination et la mise en œuvre d’un processus de sélection aussi drastique. Le vent de liberté pour les têtes de réseau continue…
- Décision de l’Autorité de la concurrence du 9 mai 2019 (n°19-D-08)
Trois réparateurs agréés Hyundai éconduits ont déposé une plainte devant l’Autorité de la Concurrence. Selon eux la tête de réseau était coupable d’entente (avec les autres réparateurs et distributeurs agréés) visant à les exclure du réseau en violation du système de distribution purement qualitatif. Ils reprochaient en outre à la tête de réseau d’avoir mis en place une politique générale d’exclusion visant les seuls réparateurs du réseau de services d’après-vente.
L’Autorité constate que deux opérateurs ont vu leurs contrats résiliés et que le troisième (qui était déjà agréé Fiat et Land Rover) s’était vu uniquement signifier une décision de refus d’agrément. Dans les trois cas la tête de réseau n’avait pas initialement motivé ses décisions mais a fourni des justifications accompagnées d’éléments de preuve vérifiables au cours de l’enquête qui ont été jugées satisfaisantes.
L’Autorité a ensuite vérifié si l’appartenance au réseau n’était pas conditionnée à la qualité de concessionnaire. En dépit du constat d’une diminution du nombre de partenaires agréés au profit des seuls concessionnaires au cours des dernières années, l’Autorité estime qu’il n’est pas établi que se resserrement soit la conséquence d’une politique générale d’exclusion mise en œuvre par Hyundai. Bien au contraire, l’Autorité estime que la diminution de réparateurs agréés dans certaines zones est due à la réorganisation du réseau intervenue lors de la mise en place du nouveau cadre européen à partir de 2010. L’Autorité note par ailleurs que les demandes spontanées venant uniquement de réparateurs étaient rares et qu’au surplus ceux-ci étaient bien présents dans des zones plus densément peuplées. Elle rejette par conséquent la plainte pour défaut d’éléments suffisamment probants.
Cette affaire permet de rappeler qu’un système de distribution purement qualitatiféchappe à l’interdiction du droit des ententes pour autant que le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif (qualification professionnelle du distributeur, de son personnel, de ses installations), fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, que les propriétés du produit en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, un tel réseau de distribution et, enfin, que les critères définis n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire (CJUE, 6 décembre 2017, aff. C-230/16,Coty Germany GmbH / Parfumerie Akzente GmbH).
Si tel n’est pas le cas le réseau de distribution sélective relève bien du droit des ententes et sa licéité va dépendre de son exemption (au titre d’un règlement d’exemption par catégorie ou individuelle).
Un système qualitatif et quantitatif(couplant des critères qualitatifs à un numerus clausus par exemple) est a priori licite (sous réserve d’examen des parts de marchés du fournisseur et distributeur et de la présence de restrictions caractérisées) dès lors que le critère quantitatif est préalablement défini et peut être vérifié mais sans qu’il soit nécessaire de le justifier. (Voir récemment CA Aix en Provence, 13 décembre 2018 n°16-04107, Cass. Com. 15 janvier 2013 n°10-12734 et CJUE 14 juin 2012, aff. C-158/11, Auto 24 / Jaguar Land Rover France).